Kazimierz
DZYGA
30 années
de peinture
Belle idée de rendre un
hommage à Kazimierz Dzyga pour ses trente ans de peinture, même si on peut
regretter que la femme qui a inspiré au peintre une large partie de sa
production, soit si peu présente dans cette exposition ! Ceci étant, cet
hommage permet de (re)mettre en lumière un artiste qui a joué avec le
succès et la reconnaissance tel un ludion, sans jamais perdre son talent
dans les épreuves.
Polonais d’origine, Kazimierz Dzyga est né en Allemagne le 5 janvier 1945.
Venu très tôt en France, après des études techniques, il exerce
différentes professions dont celle de barman à Paris, notamment dans un
grand hôtel de la rive gauche. L’endroit est fréquenté par des peintres au
faîte de leur gloire comme Vasarely, Magritte, Mathieu, et par des
écrivains renommés. « Je vois aujourd’hui à la télévision des sommités que
j’ai largement servies dans les années soixante. Je me dis que j’ai
contribué par mon travail aux poches qu’elles ont sous les yeux ! » Cette
fréquentation du milieu artistique l’entraîne sur la voie de la peinture.
Il l’explore en autodidacte, mais avec une sensibilité à fleur de peau. Il
connaît le succès dès sa première exposition à Paris dans la
galerie-librairie de Gérard Mourgue. Au milieu des années 80, il se retire
volontairement en Dordogne où il demeure depuis.
De 1967 à 1997,
l’évolution de Dzyga est patente. Peintre du réalisme fantastico-onirique,
les œuvres des débuts se fondent sur des orgies chromatiques et des
délires graphiques psychédélico-boschiens bruyants. Il y jette à bras le
corps ses rêves (Slona-Woda). Au milieu des années 70, sa palette
s’assagit et s’éloigne de ses repères surréalistes pour gagner les rives
du fantastique. Il ne délire plus. Il dit moins, mais mieux, fortement et
clairement. L’allégorie quitte la toile. Le discours se resserre. L’œuvre
y gagne un silence propice à la méditation. Deux toiles remarquables vont
dans ce sens « A l’écoute du silence » (1981) et « Le guetteur » (1981).
Cette lente mutation/maturation se réalise au travers de la matière d’une
finesse typique et de la couleur. Le bleu s’épanche dans la richesse de
ses tonalités contrebalancées simplement par quelques taches de blanc. Par
la suite, l’œuvre de Dzyga se cristallise. Les figures se raréfient pour
laisser la place à des paysages fantastiques où l’eau, sous forme liquide
ou vaporeuse, est omniprésente. La vie, autre que végétale, n’est plus
qu’évoquée par quelques traces et quelques lumières artificielles.
L’obsession dzyganienne demeure : quelle est la place de l’homme dans la
cacophonie des discours ambiants qu’entretiennent ces Tours de Babel
minérales qui peuplent ses toiles ? La réponse est au cœur de chacun.
Kazimierz Dzyga est un voyageur immobile qui sait nous capter au-delà du
tangible.
A.Coudert
Février 1998
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