Revue de textes   Text review

                                                                                    

 

« L’artiste, dans le sens le plus profond, est un instrument de son œuvre, il est, si j’ose dire, au-dessous d’elle ; c’est d’ailleurs pourquoi nous ne pouvons jamais attendre de lui une interprétation de sa propre œuvre. Il a fait son acte suprême en lui prêtant forme. L’interprétation, il doit l’abandonner aux autres, et ainsi à l’avenir ».

Ce n’est pas par hasard que l’on fait précéder une présentation de Kazimierz Dzyga, peintre, d’une citation extraite de l’œuvre de C.-G. Jung, important penseur contemporain, mais aussi et avant tout psychanalyste éminent. Aussi bien a-t-on dégagé des liens, nombreux et profonds, entre le mouvement surréaliste et la psychanalyse ; et si, par ailleurs, Dzyga consentait à se définir par rapport aux « écoles » et aux mouvements, il est bien probable qu’il voudrait se ranger – quoiqu’en toute modestie – parmi ceux-là qui, - de Hieronymus Bosch à Salvador Dali, et aussi jusqu’aux expressionnistes flamands James Ensor et Permeke – maintiennent et font fleurir une tradition millénaire de l’œuvre peint où savent se joindre une imagination formelle et symbolique délirante et un soin tout artisanal de la perfection « technique ».

Les toiles de Dzyga, nous n’avons pas à les expliquer ; nous n’avons pas à « ratiociner » ; il  n’a pas à « rendre compte » il montre. Le terrorisme impitoyable de la conscience humaine, l’impérialisme catégorie de notre « ratio » et de notre volonté commettraient à coup sûr le meurtre, irréparable, de ce qui précisément doit surgir dans toute œuvre d’art comme telle, à savoir : de ce qui  ne peut se dévoiler qu’à son gré, dans l’horizon de la liberté, du respect, du mystère et de la « distanciation » - comme une naissance.

Une analyse quasi-psychanalytique des toiles de Dzyga serait possible : car tout y est ! Elle nous renseignerait sans doute sur quelques aspects de sa personnalité… Mais Dzyga ne peint pas pour se raconter lui-même. Alors ainsi, rien ne nous serait révélé de plus sur son œuvre créée, en tant que telle, absolument originale dans la vérité de son être propre, et donc inconditionnée. Oui, nous pourrions dire que l’ensemble des toiles qu’il nous présente apparaît comme le lieu – qui sent le soufre et le fagot – où s’affrontent et s’unissent symboliquement les compulsions formidables et primitives d’Eros et de Thanatos. Mais ce n’est pas là tout !

Il faut voir – se reculer, soi-en-tant-que-raison, laisser se dévoiler, laisser venir en face de nous, comme un être neuf, ce qui surgira lentement, avec componction et artifice. Comme tout artiste, Dzyga a pour métier l’artisanat de l’illusion. Mais l’illusion-interprétée est sur le chemin de l’Etre véridique.

Michel CAHUREL  1969

 

 

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